Né en 1841 à Constantinople et mort en 1925, Henri Fayol a suivi sa formation d’ingénieur civil des mines à l’École des Mines de Saint-Étienne, où il a été élève entre 1858 et 1860. À sa sortie de l’école stéphanoise, grâce à l’influence de son ancien professeur, Charles Lan, Fayol fut recruté par la grande entreprise minière et sidérurgique Commentry-Fourchambault, implantée notamment dans les départements de la Nièvre, du Cher et de l’Allier. Il y fit toute sa carrière en gravissant les différents échelons de la hiérarchie jusqu’à en devenir directeur général en 1888, pour ensuite garder ce titre jusqu’à sa retraite en 1918. Schématiquement, son action s’est développée autour de quatre axes, intimement liés : la gestion des entreprises et sa théorisation, la science, la technique et la société. En fait, le discours de Fayol n’était pas confiné à la gestion scientifique du travail, car il visait à atteindre la société, tout en tirant profit des compétences acquises dans les domaines de la technique, de la science et de l’économie. Mais c’est d’abord au sein de son entreprise que son influence est manifeste et durable. Commentry-Fourchambault a certes été orientée dans sa localisation, dans ses productions, par la direction de Fayol. L’entreprise a connu des transformations radicales par rapport à ses concurrents, choisissant de préserver ses positions dans le Centre de la France, quitte à abandonner certaines activités historiques. L’œuvre de Fayol se caractérise par une stratégie de forte intégration autour d’un complexe houille-sidérurgie, qui a été accompagnée par une réorganisation continue des formes d’organisation ou, pour mieux dire, d’administration de cette entreprise moderne. La gestion, cependant, n’est pas une activité purement managériale chez Fayol. Si, sur l’entreprise, les différents travaux historiques ont déjà largement montré le rôle de Fayol dans la gestion et le redressement d’une grande entreprise en crise, Commentry, Fourchambault et Decazeville en l’occurrence, il reste à saisir l’action de Fayol sur les différents sites où il fut affecté depuis son entrée en 1860. Ils furent pour lui des lieux d’apprentissage de techniques déjà éprouvées, comme la poursuite de l’application des méthodes d’exploitation des couches puissantes de houille, dans les exploitations du Centre-Midi de la France. Des progrès significatifs, mais non encore aboutis, y sont en cours depuis le milieu du XIXe siècle. Commentry fut, pour Fayol, bien davantage que cela car il n’aurait, dans ces conditions, guère émergé du lot des ingénieurs civils des mines qui, sortant des Écoles de Paris ou de Saint-Étienne, ont souhaité s’inscrire dans un vaste mouvement de modernisation déjà bien engagé. Fayol est allé plus loin. Par les multiples difficultés que concentraient les couches de houille du bassin du Bourbonnais, il eut, avec Commentry, un champ d’expérimentation remarquable et multiple. Plus que ses prédécesseurs à la tête de l’exploitation, il a tenté, non seulement d’améliorer les équipements, d’augmenter la production, de combattre le feu et les éboulements, mais il a aussi engagé une véritable réflexion sur la direction du site, notamment par le prisme des modes de rémunération, d’organisation des postes de travail. Son action sur la répartition des tâches et des salaires entre le fond et le jour fait de lui un personnage à part, en ce sens qu’il joue un rôle de pionnier.
Pour autant, la démarche de Fayol ne s’est pas limitée à l’entreprise. Acteur de la SIM, l’ingénieur commentryen a souhaité porter son influence au-delà des associations de techniciens et d’ingénieurs en soutenant des sociétés savantes et de grands projets de recherches. Il a collaboré ou tout au moins a aidé des sociétés nationales ou provinciales de naturalistes, par son soutien financier, mais aussi par ses dons d’échantillons prélevés dans les exploitations dont il assumait la direction. Soucieux de faire de la France un terrain d’investigation envié dans le domaine de la géologie, il déploie des moyens humains et matériels considérables au moment d’accueillir, dans l’Allier, le Congrès international de géologie, en 1900. Sur le plan technique, Fayol prend la direction d’une des plus grandes concessions minières du Centre de la France à un moment où les stimulations techniques sont nombreuses. Avec enthousiasme, de réelles compétences et des résultats concrets, il participe à cette dynamique innovante qui caractérise les mines du Centre-Midi de la France. Ce sont, par exemple, de nouveaux outils, inventés et brevetés par Fayol, tels que des scaphandres de sauvetage ou des « frictomètres ». En 1892, il fut aussi appelé à siéger dans le conseil de perfectionnement de l’École de Saint-Étienne puis, en 1913, dans celui du CNAM. Il y proposa des réformes profondes du système de la haute formation technique. L’Administration fait aussi partie des recherches précoces abordant la gestion comme discipline « détachée » de l’économie et, par conséquent, comme un champ de recherche et d’étude propre. En même temps, il proposa une réorganisation profonde de certains services publics, tels que le monopole des tabacs et La poste.